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Le canon de Coucy, ou l'histoire d'une "fausse Bertha"

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extrait "de l'Aisne on bombardait Paris" de Jean HALLADE

chapitre IV

 

Un gros canon s'installe...

Nous voici arrivés à la sixième semaine de la grande guerre à la mi-septembre 1914. La Marne est gagnée. Le 5 septembre au soir le poète et lieutenant Charles Péguy, le fin polémiste des " Cahiers de la quinzaine " est tombé pour la France. Mais l'assaut des troupes françaises est prêt pour le lendemain matin... Le 6 au matin, le général Maunoury a porté la 6e armée en avant. C'est le début de l'offensive française qui surprend les Allemands. Ils croyaient l'armée française à genoux et le réveil est brutal. Pendant une semaine de durs combats se déroulent mais la bataille est gagnée et l'Allemand fait retraite. Le 13 septembre le front passe au nord de Reims, Berry-au-Bac, Soissons, Blérancourt... Encore une fois, deux civilisations se sont heurtées dans les vieux champs Catalauniques et la civilisation latine est restée victorieuse. Mais le 13 septembre, sous la pluie qui ne cesse de tomber changeant les routes en fondrières, la marche de notre artillerie, de nos convois se ralentit et nos armées se heurtent à une solide résistance... et nous manquons de munitions d'artillerie. Les fronts se figent. De la mer du Nord à la frontière suisse, on creuse les deux fossés parallèles, par où va s'écouler le sang des deux armées adverses, désormais immobiles. Tant et tant que les millions d'êtres humains, engagés de près ou de loin dans l'immense lutte, fixent anxieusement les yeux sur les tranchées, tendent l'oreille au fabuleux tumulte des batailles... Mais personne, ou presque, ne songe à regarder les arrières et c'est pourtant de là que viendra la victoire ou la défaite. Les combattants ont besoin d'être sans cesse ravitaillés en vivres, en munitions, en matériel et en troupes de réserves, sinon c'est le désastre inévitable. Alors si l'on peut tenir sous le feu, loin derrière les lignes, avec des pièces à longue portée les carrefours importants, gares régulatrices, points de passage stratégiques, quel incontestable avantage ! C'est ainsi qu'a dû naître la pièce de Coucy. Cette charmante bourgade restée dans les lignes allemandes, après leur défaite de la Marne, va servir de plate-forme à une pièce de gros calibre.

Au sud de Folembray, à mi-distance entre ce bourg et Coucy-le-Château, à quelques centaines de mètres sur la droite de la R.N. 37 (nota : aujourd'hui D 937) en allant vers cette célèbre petite ville, se trouve un bois dénommé "Le Montoir" ayant vaguement la forme d'un trapèze dont la petite base est orientée vers le sud. Contournant la pointe nord-est de ce bois, une ligne de chemin de fer qui fait communiquer Chauny avec Anizy-Pinon depuis sa mise en service en 1882 et qui existe encore aujourd'hui, relie sur son parcours Folembray à la ville basse de Coucy. Remontant vers Folembray, cette voie ferrée sert à ravitailler la verrerie, maintenant désaffectée et devenue depuis 1954 un emplacement militaire et s'enfonce ensuite en plein dans la basse forêt de Coucy. Au milieu de ces grands bois, un embranchement au lieu-dit "Le Rond d'Orléans" oriente la voie en direction de Chauny où elle vient, par Sinceny, rejoindre les grandes lignes vers Paris ou Bruxelles. L'autre embranchement, reprenant un circuit en forêt, va vers Saint-Gobain pour alimenter la célèbre Glacerie fondée par Colbert en 1665. Pourquoi les Allemands vont-ils choisir le "Bois du Montoir" pour y installer leur gros canon, alors que l'emplacement, parmi l'immense étendue de la basse forêt de Coucy, serait certainement encore mieux camouflé et plus difficilement repérable ? Ayant l'intention de tirer vers le sud, les Allemands gagnent ainsi 4 à 5 kilomètres sur la distance, ce qui est important et de plus la proximité de Coucy-le-Château permet de loger le personnel, l'installation étant facilement accessible par la ville basse avec une. route passant à 400 mètres au sud et un chemin creux bien aménagé par où on gagne l'emplacement de la batterie. Quant au ravitaillement, la voie de chemin de fer présente un triple avantage; elle passe à moins de 500 mètres du lieu choisi, présente un petit triage, donc des voies de garage pour les manutentions et, reliée à Chauny, permet d'amener facilement les matériaux de construction et plus tard les munitions. Chauny est un lieu de triage très actif pour le front et dès 1914 son importance a été reconnue par le Haut commandement français.

Bien que l'aviation de bombardement soit encore dans l'enfance, du côté français on a pensé très tôt à ce début d'aviation stratégique à longue distance. Le capitaine Laurens surnommé "Laurens le Hibou", homme d'action du bombardement avait désiré voler de nuit dès le mois d'octobre 1914. Chargé d'organiser la défense nocturne du camp retranché de Paris, il commande l'escadrille 397 basée au Bourget. De cette base il emmène ses biplans " Voisin " bombarder de nuit les gares de Chauny, Tergnier, Laon et l'usine électrique de Beautor . Cela ne va pas empêcher les Allemands de poursuivre leur projet d'installation d'une grosse pièce dans le bois du Montoir . Quand commencèrent les travaux ? Il est difficile de le dire. Peut-être avant la fin de l'année 1914 mais on ne possède guère de précisions à ce sujet. De toute façon au début de 1915 les travaux sont activement poussés et l'on sait de façon certaine que la pièce tira en avril 1915. On sait aussi que l'établissement de la plate-forme en béton a demandé sept semaines pour le terrassement et l'établissement.

croquis

Restitution du canon et de son affût, croquis de l'auteur

(Nota : Alors que le dessin de la plateforme est exact, celui du matériel n'est qu'imaginé. Les 4 fers en I ne devaient être en place que pour l'armement et le désarmement de la batterie.)

Qu'était ce canon ? Une grosse pièce de marine de calibre 380 destinée à l'origine aux cuirassés allemands de la flotte impériale de la série " Bayern ", d'une portée de 35 ou 40 kilomètres, lançant un obus d'un poids approximatif de 750 kilogrammes. Mais pour soutenir ce tube de 380 d'une longueur d'environ 17 mètres il faut des bases solides. Ce tube se monte sur un affût métallique constitué par deux poutres en I en acier, disposées parallèlement et réunies par de fortes entretoises. L'avant de l'affût repose par son entretoisement sur un fort pivot à billes supporté par un socle en acier moulé. Ce socle est lui -même boulonné sur une épaisse plaque d'acier fixée sur le caisson central de la plate-forme. Cet affût est monté sur une plate-forme en béton ce qui donne un champ de tir limité à 160°. Plus tard les Allemands construiront des plates-formes métalliques démontables, mais pas à Coucy. La plate-forme, demi-circulaire en béton de ciment, comprend une cuve circulaire de 3,60 mètres de profondeur, coupée vers l'avant, c'est-à-dire vers le sud par deux parois verticales faisant entre elles un angle de 140° environ. Au centre de la cuve est scellée l'embase du pivot de l'affût. Sur les bords se trouvent des gradins. Entre le dernier gradin et la base du pivot existe une dépression circulaire de 1,80 mètre de profondeur par rapport à la cuve et recouverte normalement d'un plancher . Sous l'avant de la cuve, à gauche en regardant vers le sud, se trouve une chambre souterraine contenant un moteur électrique et communiquant avec le fond de la fosse par deux portes percées dans les murs verticaux d'avant. Ce moteur sert à produire la force motrice nécessaire à la manoeuvre du canon. L'ensemble pèse près de 220 tonnes. Peu à peu, le ravitaillement en munitions s'effectue et le gros canon est prêt à tirer. Quels vont être ses objectifs ? Nous avons vu que le lieu du " Bois du Montoir " avait été choisi pour des raisons stratégiques.

Si nous prenons une carte, il suffit de prendre Coucy comme point de départ et de tracer un arc de cercle représentant une distance de 40 km et nous voyons passer par cet arc les villes de Compiègne, Villers-Cotterêts et Oulchy-le-Château. Ce sont trois villes avec de grands itinéraires routiers et ferroviaires, servant à ravitailler le front français et sur lesquels le canon va faire peser une menace constante sans avoir besoin de tirer continuellement. On a dit parfois que Château-Thierry faisait partie des objectifs à battre. Il suffit encore de prendre la carte pour se rendre compte, qu'à vol d'oiseau la distance est supérieure à 55 km et au début de 1915 la portée des pièces allemandes de gros calibre n'en est pas encore là, bien qu'au stade de la préréalisation. La ville de Château-Thierry était donc, de par la distance, hors de portée.

 

Le faux canon du bois de " La Tinette "

Le travail n'en est pas pour autant terminé. La pièce est prête mais si elle tire elle risque d'être rapidement repérée. Les Allemands vont essayer de trouver une parade. Vers l'ouest, au lieu-dit " La Tinette ", à 5 km à vol d'oiseau de la pièce, maintenant installée, règne une fiévreuse activité. Des hordes déguenillées, hirsutes, barbues, travaillent à la schlague, sous un commandement rauque et brutal. On se croirait revenu au temps de l'ancienne Egypte où les esclaves bâtissaient palais et pyramides et où celui qui tombait d'épuisement était immédiatement remplacé par un autre. Ce troupeau, ce sont des prisonniers russes, des centaines que les Allemands ont ramenés en France. Le maréchal Hindenburg en a fait beaucoup après sa retentissante victoire de Tannenberg, qui a sauvé la Prusse orientale du " rouleau compresseur . russe " . Le lieu-dit " La Tinette " appartient à l'hospice de Blérancourt et se trouve situé légèrement à l'est mais presque encastré entre le bois de l'Hôpital au sud et le bois des Loups au nord. A 200 ou 300 mètres de cet endroit, passe le canal de l'Oise à l'Aisne où sont amarrées de nombreuses péniches. Dans ces habitations sur l'eau sont parqués les Russes dans des conditions d'hygiène qui dépassent toute imagination. Dès l'aube, en rangs serrés, par tous les temps, ils sont emmenés aux travaux forcés dans les bois, sans rien à manger, ou presque. De grands enfants, habitant les environs, apportent quelquefois en cachette un vieux morceau de pain dur, un bout de betterave... sur lesquels se jettent ces hommes affamés.

Depuis quelque temps, sous la direction de leurs gardiens et de quelques officiers allemands, ils se livrent à une étrange besogne. Avec des troncs d'arbres, des planches, ils assemblent et construisent un faux canon sur voie ferrée dont la silhouette, vue d'avion, doit être proche de la réalité. Pour donner encore davantage de change, une fausse voie ferrée est taillée dans le bois en partant des bords du canal. Comme on peut le voir, l'ennemi ne regarde pas au camouflage pour protéger sa pièce. C'est que l'Allemand craint les reconnaissances aériennes et il faut reconnaître qu'il a raison. Bien que l'observation aérienne soit encore à ses débuts dans les premiers mois de 1915, elle n'est pas négligeable et a déjà rendu de grands services du côté français ne serait-ce que pour la bataille de la Marne. L'aviation française est même dans ce domaine de la reconnaissance plus en avance que celle d'en face et les biplaces Voisin et Farman - les célèbres " cages à poules " - sont de très bons appareils qui atteignent 95 à 100 km à l'heure et montent à 2000 mètres en 25 minutes. Le Voisin sortira de jour jusqu'à l'apparition des premiers chasseurs Fokker . Cette observation aérienne malgré l'absence de chasse, encore dans l'enfance à cette époque, n'est pas sans présenter quelques dangers. La défense contre avions par canon existe et un de ces équipages allant faire une reconnaissance au-dessus de notre département vient d'en faire la triste expérience. Le 16 mai 1915, par une belle journée, un biplan Farman décolle avec comme pilote le capitaine Morris et comme observateur le caporal De Ram. Ils survolent Nesle et prennent la direction de Saint-Quentin. Au-dessus de l'Aisne l'appareil est violemment canonné. Atteint par des éclats d'obus, une poutre est sectionnée à son attache avec le plan inférieur et les deux mâts correspondants sont complètement brisés. A deux mille mètres le caporal de Ram enjambe la carlingue, descend sur le plan inférieur pour aller consolider la partie brisée et y parvient malgré le froid assez vif. Le capitaine Morris réussit à ramener au terrain son oiseau blessé. Les Allemands font donc bien de se méfier de l'observation par avion. Aussi, pour camoufler leur pièce de Coucy-le-Château ils vont faire mieux encore. Nous avons vu que ce faux canon de bois de l'Hôpital, fait à l'aide de troncs d'arbres par les prisonniers russes se situe à 5 km à l'ouest de la pièce réelle. C'est un excellent camouflage pour les regards indiscrets des aviateurs français mais il reste les artilleurs. Quand le canon de 380 va se mettre à tirer sur l'un des trois objectifs il va être possible de le repérer par le son et il faut parer à cette éventualité. Le front passe actuellement par Berry-au-Bac, Craonne, au nord de Soissons, Nampcel etc., soit environ 17 kilomètres de là. Malgré la pauvreté de l'artillerie lourde française au début de 1915, il n'est pas impossible qu'un canon de 120 ou de 155 court amené à proximité des tranchées ne vienne démolir la grosse pièce allemande ou rendre son voisinage peu sûr . Les Allemands amènent alors à proximité du faux emplacement des tonneaux de poudre. Quand le canon de Coucy tire, un tonneau de poudre explose en même temps, dégageant autant de bruit et de fumée. Le repérage par le son devient alors plus difficile mais il faut une parfaite synchronisation. Comment était obtenue cette synchronisation ? Il est difficile de le dire. Peut-être par liaison téléphonique ou par signaux optiques, ou encore par tir à heure fixe, hypothèse qui semble la moins vraisemblable. Les Allemands auraient pu encore utiliser les signaux aériens à l'aide des ballons captifs d'observation, les " saucisses " comme on les appelait du côté français et " draken " du côté allemand. Un " draken " fut effectivement installé non loin de là, près de Saint-Aubin, à proximité de la Ferme de La Tour mais seulement vers la fin de 1915, et un autre à Guny dans le ravin de Bouland. Le premier fut incendié le 1er juillet 1916, jour de l'attaque française sur la Somme par un avion de chasse, probablement un Nieuport équipé de fusées Le Prieur . Quant aux " saucisses " qui de temps à autre montent au bout de leurs câbles, dans le ciel, derrière les tranchées françaises, l'observation est bien incapable d'observer le tir de la batterie à cause de la dénivellation du terrain et de l'éloignement du front. C'est cependant le système par signaux optiques qui semble devoir être retenu pour la synchronisation entre le départ de l'obus du canon du bois du Montoir et l'explosion simultanée d'un baril de poudre à proximité de la fausse pièce du bois de la Tinette. Des personnes qui habitaient Coucy en 1915 sont formelles : un système de guet et de signalisation était installé sur des échafaudages au sommet du donjon du château donc visible de très loin. Il était alors relativement facile aux artilleurs de Coucy, et à son " sosie " du bois de la Tinette, de coordonner leurs actions. Que fut la pièce de Coucy et que devint-elle ? Plusieurs légendes sur son compte courent encore aujourd'hui. Des plaques indicatrices à l'entrée des chemins donnent à penser aux touristes que ce fut l'emplacement d'un canon qui tira sur Paris. Rien n'est plus inexact ? Faut-il attribuer cela à une simple ignorance des faits historiques ou est-ce tout simplement dans le but d'attirer justement ces touristes ? Une seconde légende circule toujours: la pièce aurait éclaté au troisième obus, tuant tous les servants. Son tir n'aurait donc eu qu'une existence très brève ? Il est en effet possible qu'un semblable accident se soit produit. Ce qu'il y a de certain en ce cas, c'est que le canon fut remplacé par un autre et qu'il y resta plusieurs mois.

Le 27 avril 1915 une formidable explosion se produit à proximité du Château de Compiègne et un éclat de plusieurs centaines de grammes, broyant tout sur son passage, est retrouvé dans le cabinet de travail de l'Empereur Napoléon III. Il provient d'un obus de 380 parti de la pièce de Coucy. Quatre mois plus tard, jour pour jour, le 27 août 1915, un projectile de 380, provenant toujours du canon de Coucy, tombe dans le parc et explose. On retrouvera également un gros éclat et il ne fait aucun doute qu'il s'agit bien d'un obus de 380. On peut voir encore maintenant ces deux éclats d'obus dans la salle d'attente des visites guidées du château.(ndlr : ces éclats ne sont plus visibles aujourd'hui)

Mais dans l'intervalle de ces quatre mois, le gros canon aura eu un autre objectif, et l'on trouve un récit de ce tir dans une lettre que notre futur grand " as " de la chasse, Georges Guynemer, alors caporal pilote à l'escadrille de reconnaissance M.S. 3, écrivait à sa mère. Sur son biplan, le 17 juin 1915, il décolle avec un observateur du terrain de Vauciennes, près de Villers-Cotterêts, pour une reconnaissance au-dessus de Chauny, Tergnier, Laon, Coucy et Soissons. De Coucy à Chauny, et surtout aux alentours de Coucy, l'observateur de Guynemer compte 500 obus tirés contre leur avion. Les Allemands tiennent vraiment à éloigner - ou à abattre - ce curieux. Dans la soirée on apprend à Guynemer qu'une pièce à longue portée, cachée dans un bois, près de Coucy-le-Château, a bombardé Villers-Cotterêts. Le lendemain 18 juin, avant de partir en mission, il écrit à sa mère: "L'ennemi a bombardé Villers-Cotterêts avec une pièce à longue portée qu'il s'agit de repérer ". Cette fois il emmène, comme observateur au-dessus de Coucy, le lieutenant Colcomb. Dans le ciel, alors que le château tout blanc se découpe merveilleusement, un tir violent de défense contre avions les accueille. Cinq fois le biplan est atteint par des éclats mais personne n'est blessé et le retour au terrain de Vauciennes s'effectuer sans encombre. C'est aussi dans cette région que Georges Guynemer obtient la première de ses cinquante-trois victoires aériennes. Le 19 juillet 1915, Guynemer et son observateur Guerner , s'envolent car on signale un avion allemand dans le ciel de Coeuvres. Il le rejoint et ne peut engager le combat, le biplan " Aviatik " s'enfuit vers Laon. Mais dans le ciel de Coucy-Ie-Château il rejoint un autre " Aviatik " qui se dirige, à une altitude de 3 200 mètres, vers Soissons. Le combat s'engage et dure dix minutes. Le pilote allemand est atteint en même temps que son appareil. Le biplan " Aviatik " tombe en flammes et s'écrase près de Soissons. L'avion de Guynemer a aussi été atteint. Il ne peut rentrer directement à sa base de Vauciennes et il est obligé de se poser en catastrophe à Septmonts dans la cour d'une ferme. . . sur le tas de fumier.

Il est difficile de savoir ce que devint cette pièce au cours des derniers mois de 1915 et pendant l'année 1916. Cependant un jeune témoin, il a 17 ans à l'époque, Gaston Leroy passant par hasard le long de la voie ferrée de Saint-Gobain à Chauny, à hauteur du passage à niveau de Sinceny sur la route empierrée dite " Chemin de soude ", se rappelle qu'un hiver, descendant vers Chauny, il remarque un énorme canon sur la voie ferrée tiré par une locomotive. Il ne fait aucun doute que cet hiver est celui de 1916/1917 et que Gaston Leroy a bien vu le canon de Coucy-le-Château en cours d'évacuation. A cette date, les Allemands ont déjà prévu leur repli sur la " Ligne Hindenburg " et le massif forestier de Saint-Gobain, repli qui commence fin février 1917. Ils n'ont pas l'intention de laisser ce canon entre les mains des troupes françaises occupant le terrain évacué par l'ennemi presque tout de suite. Quand le 16 mars 1917, pour raccourcir le front, les Allemands se replièrent sur la " ligne Hindenburg ", rasant et ruinant tout sur leur passage, notamment l'importante cité industrielle de Chauny et faisant sauter à la dynamite la merveille d'architecture féodale de Coucy-le-Château, ils sont poursuivis par les troupes du général Humbert franchissant l'Ailette. Cinq jours plus tard les Allemands évacuent Coucy-la-Ville, Verneuil, toute la basse forêt et nos patrouilles bordent la forêt de Saint-Gobain et la haute forêt de Coucy. Ils trouvent dans le bois l'emplacement du canon que l'on peut voir encore aujourd'hui mais la pièce n'y était plus.

 

Encore plus fort que le canon de Coucy

Le canon de Coucy-le-Château ne sera pas le seul à être mis en batterie par les Allemands dans les régions de la France envahie. Profitant de leur large supériorité dans le domaine des pièces de siège à longue portée et gros calibre, ils vont tenter de ternir sous leur feu quelques points stratégiques, particulièrement les villes servant de gares de transit pour le front, ou simplement parce que ces villes sont d'importants noeuds routiers pour les communications. Dès le début des hostilités les Allemands possèdent déjà un canon de 210 de marine se déplaçant sur voie ferrée, tirant sur plate-forme avec une portée de 26 kilomètres et dont 7 wagons, transportant personnel et munitions, sont suffisants pour mettre la pièce en batterie. Il existe également un canon un peu plus gros de calibre 240 dont le poids du tube atteint 25 tonnes, capable de tirer à 27 kilomètres grâce à une vitesse initiale de 850-900 mètres par seconde. Le tout est également transporté sur voie ferrée avec tir sur plate-forme. Le calibre de 280 sera, de toute la guerre, celui qu'affectionnera la marine allemande. Aussi ne manque-t-elle pas d'adapter le 280 au transport sur voie ferrée pour en amener sur le front occidental. La portée est déjà très grande puisque de 30 kilomètres avec une protection de la pièce, par blindage, de 6 centimètres. C'est surtout avec les calibres supérieurs de 356 et 380 que les Allemands vont tenter d'entretenir sur les arrières, et en certains points précis, une menace permanente. Au début de 1915, en même temps que le canon de 380 de Coucy-le-Château, cinq autres pièces vont être installées devant Nancy, Verdun, Dunkerque, Belfort et Amiens. La pièce tirant sur Nancy est installée au nord de Château-Salins.

fin de l'extrait

 

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